Dimanche 6 novembre 2005 : réveil à 4H,
sommeillé jusqu'à 6H ; la lumière du
jour est vraiment là. Lever à 6H... pratiquement
grand bleu ; je suis allé à l'arrière
du pont 6 photographier les oiseaux dans la lumière
matinale. Maintenant, je suis à ma "fenêtre"
à regarder les pétrels passer dans la
lumière du matin... c'est magnifique. Ça a
remué cette nuit et ça roule quand même
un peu mais je ne suis pas du tout malade. Ce matin, ça
moutonne bien... Tiens, je vais aller voir... au fait, les oiseaux
noirs et blancs, ce sont des pintado pigeons [ou cape
pétrels ou damiers du cap], ils sont magnifiques dans la
lumière. Je suis assez content de moi, j'en ai fait des
photos très correctes sur l'arrière et le
côté tribord car à bâbord, il
n'est guère possible d'y rester à cause des
embruns [surtout pour y faire des photos] ; le vent "souffle" le sommet
des vagues et rien qu'en touchant une poignée
d'une des portes, côté bâbord, je me
suis rendu compte qu'elle est couverte de sel. Rhaaaa, c'est beau... la
journée va être formidable. A 8H 45 : 6 Beaufort,
4°C, vent du sud-ouest, 61°:2´ sud et 57°6´
ouest, on navigue à 14,5 nœuds, cap au
145°.
9H11, premier iceberg à l'horizon, droit devant bien sûr.
10H, par 61°31´ sud, 57°36´ ouest, cap au 152°
à 14 nœuds. Nous venons de visiter notre premier
iceberg tabulaire. Il est nettement plus long et plus haut sur l'eau
que le MS Nordnorge. Les vagues sapent sa base...
enfin la base de la partie émergée. Si le MS
Nordnorge n'en fait pas le tour complet, nous nous en approchons
à quelques dizaines de mètres et en longeons 2
faces. Bien sûr, tout le monde est sur le pont pour ce
premier iceberg, symbole de l'Antarctique dont nous nous approchons.
Magiques, le bruit du ressac sur les falaises de glace, les
différentes teintes de la glace, du bleu au blanc... La
journée s'annonce vraiment pleine de découvertes.
extrait du programme du jour : "Février 1819, le marchand anglais William Smith était en train de contourner le cap Horn au commande de son brick Williams (petit navire à deux mâts à voiles carrées) lorsqu’une tempête le repoussa vers le sud. C’est alors qu’il aperçu pour la première fois l’archipel des Shetland du Sud. Il plaça immédiatement son bateau sous commandement des autorités anglaises de Valparaiso et c’est ainsi que le Capitaine Edward Bransfield de la Royal Navy fut placé à bord. Ensemble, Bransfield et Smith, firent l’étude topographique des îles et les baptisèrent ainsi à cause de leur proche latitude avec les îles Shetland (Écosse). Ensuite, ils passèrent le détroit de Bransfield apercevant la péninsule antarctique. Pendant de nombreuses années, on considéra que c’était la première fois que l’on vit l’Antarctique. Toutefois, c’est un estonien d’origine allemande, Thaddeus Thaddevich von Bellingshausen, travaillant pour la marine russe qui, sans le savoir, les précéda de trois jours. Etant commandant d’un bateau russe, Bellingshausen travaillait sur les 10 mois du calendrier Julien et ce n’est pas avant les années 40 alors que l’on transcrivit son travail sur les 12 mois du calendrier grégorien que sa priorité fut reconnue. La « découverte » de Smith précipita l’invasion massive des îles par les chasseurs de phoques et il ne fallut que quelques années pour que la population d’otaries à fourrure australe (Arctocephalus australis) soit presque entièrement décimée. Après cela, les chasseurs de phoques furent plus secrets sur leurs découvertes et nous ne pouvons jamais être sûr de qui découvrit quoi et quand."
15H, nous allons mouiller en face de la station polonaise d'Arctowski
dans la Baie de l'Amirauté sur l'Île du Roi
Georges [carte]. Premier débarquement : même si le temps
est clément, on nous a recommandé de nous
habiller en "imperméable" de la tête aux pieds.
L'anorak fourni à tous les passagers est bien fait, je
trouve et je le porte régulièrement depuis. Il
est obligatoire de mettre des bottes qui sont mises
à notre disposition. Après avoir
capelé la brassière de sauvetage très
peu encombrante et avoir montré "patte blanche" [fait lire
le code barre de notre carte de passager afin de savoir qui est
à terre], nous embarquons par palanquée de 8
passagers dans les "polar cirkel boats" après d'abord
être passé sur un matelas de mousse
épaisse d'une quinzaine de centimètres
imbibé d'une solution désinfectante, puis
être passé entre 2 rampes de jets à
hauteur des bottes, puis troisièmement, être
passé dans un bac rempli d'une autre solution [?] et au fond
garni de brosses et paillassons. Tout cela se passe au pont 2 dans la
cale destinée à accueillir les voitures et les
marchandises transportées lors de la navigation habituelle
du navire le long des côtes norvégiennes. Pour
rejoindre le polar cirkel boat nous passons par un sabord [attention
à la tête] sur tribord puis empruntons
une échelle de coupée. C'est vraiment
très sécurisant d'autant plus que les PCB
disposent d'une rampe de chaque côté de l'avant,
bien plate et rigide puis une autre rampe au milieu de l'embarcation.
Pratiquement, un aveugle pourrait y embarquer seul.
extrait du programme du jour : "La baie de l’Amirauté est l’une des trois baies, au sud de l’île du Roi George, qui pénètre profondément à l’intérieur de ses côtes. La station polonaise Arctowski tient son nom du géologue Henryk Arctowski, l’un des deux polonais membres de l’expédition belge de 1897 conduite par le Baron Adrien de Gerlache. Elle est considérée comme l’une des bases scientifiques les plus accueillantes, ses membres ont construit leur propre centre d’information et ainsi les touristes peuvent visiter sans interrompre le travail en cours. Souvent injustement nommé « magasin de souvenirs », la petite hutte en bois a été construite avec des matériaux recyclables par le personnel de la station durant leur temps libre. Elle offre un abri chaleureux contre les morsures du vent. Les visiteurs sont toujours les bienvenus pour un café et des biscuits à la station. Le bâtiment principal est connu comme le « Samolot » (avion) en raison de son aspect et de sa forme. « Samolot » loge près de quarante personnes en été et environ une douzaine en hiver. Si vous êtes invité à l’intérieur, merci de retirer vos bottes. Merci de ne pénétrer dans aucun bâtiment à moins que l’on ne vous y invite. Le personnel laisse très souvent le tampon de la station disponible et il y a parfois des coffrets de T-shirts, de pins, et d’information en vente payables en Euros ou en Dollars américain. Merci de ne pas vous éloigner de la côte car les mousses et les herbes sont très fragiles. Observez les os de baleines et particulièrement leurs vertèbres sur votre chemin. Le site des manchots d’Adélie est un lieu d’intérêt scientifique et ne peut être pénétré par les visiteurs mais son périmètre clairement délimité vous permet d’être suffisamment prêts pour en profiter pleinement et obtenir de superbes photographies."
Donc premier débarquement à terre sans
problèmes lors de notre arrivée sur une
grève de galets. Nous pouvons aller visiter la station et y
prendre un café ou un thé et y acheter [je crois]
des souvenirs fabriqués par les scientifiques mais je
préfère me balader sur les 200 ou 300
mètres de rivage qui nous sont accessibles.
Première rencontre avec les manchots adélies et papous qui cheminent surtout sur la grève de gros galets, le long de la mer. Il suffit de s'asseoir et d'attendre qu'ils s'approchent s'ils le désirent. Leur allure débonnaire est vraiment rigolote et là, j'en vois un qui se gratte le crâne : une de ses ailes est amputée d'une bonne moitié. Il a dû échapper de peu à un léopard sans doute... Au bout de la grève, l'accès à une zone spécialement préservée nous est interdit : en haut d'une petite colline de quelques dizaines de mètres d'altitude, on distingue une manchotière survolée justement par un skua qui semble semer [un peu] la panique ; en tout cas, certains manchots semblent le surveiller.
Là, j'étais sur le côté
gauche de la petite pointe sur laquelle nous avons
débarqué. Maintenant, je me dirige vers le
côté droit en longeant les bâtiments de
la station. Tout au bout, une éléphante de mer
sur le point de mettre bas somnole en haut de la grève de
galets alors qu'une colonne de manchots passe un peu plus loin, en bas
de la grève. La peau de l'abdomen de
l'éléphante ondule assez nettement par moment.
Christopher, un des membres du staff, nous explique que lors de leur
précédente venue ici [c'est la seconde
croisière en Antarctique de la saison du MS Nordnorge], ils
ont assisté à la mise bas d'un petit
éléphant ; 16 skuas avaient vite fait d'engloutir
le placenta. Justement, maintenant aussi, un skua [bagué]
est tout près de nous, à 1,5 mètres au
maximum et se prête de bonne grâce à la
séance photo.
Après mon rembarquement, alors que le MS Nordnorge est
encore à l'ancre, je m'octroie une séance de
jacuzzi à l'arrière du pont 6 : très
agréable et je n'ai vraiment pas froid même
pendant les 3 ou 4 minutes où j'essaie [en maillot et
blouson polaire] en vain de repositionner la couverture du jacuzzi que
j'ai mal ouvert. Finalement, un passager emmitouflé passant
par là me donne un coup de mains et en 10 secondes, le
jacuzzi est recouvert. Je compte bien renouveler les séances
de jacuzzi les prochains jours...